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Un pas de plus... vers un nouveau regard

Un pas de plus... vers un nouveau regard

Un blog sur les voyages et les découvertes culturelles, en France ou à l'étranger, à travers mes modestes expériences et les visites guidées que je propose pour vous donner, je l'espère, des informations utiles et l'envie de voyager avec moi. En route!


Voyageurs, sommes-nous vraiment altruistes?

Publié par Amandine Guide sur 22 Février 2015, 09:28am

Catégories : #Quézako?

Voyageurs, sommes-nous vraiment altruistes?

Le voyageur se définit généralement comme quelqu’un qui souhaite ressentir, découvrir, connaître. Il désire vivre avec l’autre, parfois même vivre comme l’autre et se considère comme quelqu’un d’altruiste. Mais y a-t-il réellement quelque chose d’altruiste dans le fait de partir à la rencontre des autres ? Car au fond, partir, n’est-ce pas pour mieux se connaître soi-même ?

Découvrir une culture, aller à la rencontre de l’autre, admirer de magnifiques paysages : autant de raisons qui motivent les voyageurs à partir vers des destinations lointaines. Selon le Conseil mondial du voyage et du tourisme (WTTC), 25% des européens projettent de voyager pour « découvrir une autre culture ». Découvrir ou partager ? Il y a d’un côté ceux qui partent pour découvrir de loin une culture, c'est-à-dire se contenter des descriptions des guides touristiques et ramener de jolis clichés et de beaux cadeaux exotiques dans leurs bagages. De l’autre, nous trouvons des voyageurs qui ne partent pas pour avoir, mais pour être. Ni pour prendre, mais pour donner. En ce sens le voyageur, et non le touriste, qui s’inscrit dans une démarche différente, peut être considéré comme quelqu’un d’altruiste, de généreux, d’ouvert aux autres. Beaucoup de voyageurs se vantent d’ailleurs de cette qualité. Combien en entend-on critiquer l’étroitesse d’esprit des personnes qui ne partent pas ? Combien, en rentrant d’un voyage initiatique en Inde ou dans quelque autre contrée un tant soit peu spirituelle, se sentent supérieurs à ceux qui en guise de vacances n’ont eu d’autre choix - ou ambition - que les côtes pluvieuses de la France ? Est-ce cela l’altruisme ? Aider les autres et critiquer les nôtres ? « Nul n’est altruiste en son pays » aurait dû ajouter Luc à son Evangile

L’altruisme : action désintéressée ou sacrifice ?

C’est au philosophe français du XIXe siècle Auguste Comte que nous devons cette notion d’altruisme. Elle apparait pour la première fois en 1852 dans son ouvrage Catéchisme positiviste. D’après le philosophe, l’altruisme désigne un comportement qui consiste à faire une action absolument désintéressée, c'est-à-dire qu’elle sera bénéfique à d’autres individus mais qu’elle ne procurera aucune sensation de plaisir ou de satisfaction à l’entrepreneur de cette action. Il s’agit de faire le bien pour le bien en quelque sorte. Une action peut cependant prendre bien des formes différentes. Parle-t-on de service ? De gentillesse ? De réconfort ? D’encouragement ? De sacrifice ? Comte ne précise pas si l’action à effectuer est une action morale ou physique. Aider un habitant d’un village en construisant sa maison à ses côtés et aider un enfant en lui donnant des pièces ; peut-on mettre ces deux actions sur le même plan ? Par définition, si les deux ne nous apportent aucune satisfaction personnelle, alors oui, elles sont identiques et s’inscrivent dans une démarche altruiste. Selon Comte, l’auteur de l’action ne doit éprouver aucun plaisir dans le fait de faire plaisir à l’autre, de l’aider ou même de le sauver, ce qui rendrait ladite action intéressée, et donc contraire au principe de l’altruisme. Mais vous est-il déjà arrivé de faire plaisir ou de rendre service sans que cela ne vous procure aucune sensation de bien-être ? Sans que le plaisir de l’autre ne vous affecte ? N’est-ce pas devenir un être dépourvu d’affect et donc de conscience ? Les limites de la théorie de Comte sont nombreuses. Cependant, se définir comme quelqu’un d’altruiste ne peut se simplifier uniquement au fait d’être ouvert aux autres.

Aider les autres… pour s’aider soi-même ?

S’ouvrir aux gens, aller à la découverte de l’autre, est-ce être altruiste ? Si l’on en croit la définition de Comte, non. S’intéresser à l’autre n’a théoriquement aucun autre effet que de contenter notre curiosité et notre savoir. Il n’a en tout cas aucun effet direct sur l’objet de notre intérêt. Cependant, le fait d’étudier l’autre résulte parfois en une action afin de lui venir en aide, de le soutenir, moralement, physiquement ou même financièrement. « L’admiration constitue le premier pas vers le respect », nous dit Nicolas Hulot. Partir à la découverte de l’autre peut donc engendrer une prise de conscience et un respect que l’on pourrait presque qualifier de plus tangibles. En effet, le voyageur qui découvre pour la première fois une tribu, par exemple, sera plus enclin au respect envers cette population. Avant de découvrir cette tribu, le voyageur ne la méprisait pas, il ne la respectait pas non plus : il ne la connaissait pas, ce qui signifie qu’elle n’existait pas pour lui. En ce sens, le voyageur est quelqu’un qui cherche à s’ouvrir aux autres et qui prend conscience du monde qui l’entoure. On considère donc injustement qu’il est plus altruiste qu’un homme qui aurait passé sa vie entière dans la Creuse en s’octroyant de temps en temps des vacances en Bretagne. Pourtant, le voyageur décide souvent de partir pour combler un besoin. Besoin de liberté, de nouveaux horizons, de nouvelles rencontres, d’échanges…. Or le besoin et l’envie sont des notions complètement opposées au concept d’altruisme. Finalement, être altruiste signifierait-il se nier face à l’autre ? De nombreux voyageurs choisissent de vivre au plus près des autochtones durant leur périple. C’est selon eux la vraie définition du voyage : le partage. Mais le partage est également littéralement opposé à l’altruisme. Le rapport à l’autre n’est pas le même. Dans le partage, les deux individus sont placés sur un même niveau d’égalité, et deviennent tour à tour donneur et receveur. Dans l’altruisme, l’un donne à l’autre sans rien attendre en retour. C’est une action qui est certes moralement louable, mais est-elle naturellement faisable ? L’action humanitaire peut-elle être considérée comme altruiste ? De nombreux bénévoles ont pour principale motivation l’envie de venir en aide aux autres, à ceux qui en ont le plus besoin. Le terme d’envie peut-il être ici considéré comme synonyme de satisfaction personnelle ? Les personnes qui s’engagent dans des missions humanitaires, souvent éprouvantes physiquement comme psychologiquement, le font pour aider, pour donner à l’autre. Certes, elles récoltent en retour une certaine satisfaction. Mais c’est une satisfaction non pas liée à l’orgueil, mais liée au fait d’avoir rendu autrui plus heureux. Peut-on mépriser cela ? Peut-on affirmer que ces personnes ne sont pas altruistes ? Selon Comte, ces personnes devraient en effet être considérées comme égoïstes. Selon nous pourtant, le fait de décider de faire quelque chose pour autrui est la seule définition applicable de l’altruisme. En effet, réaliser une action qui profite à l’autre, en comblant au passage un besoin, un manque ou un désir personnel enlève-t-il de la valeur à cette action ?

Empathie ou sympathie ?

Si l’altruisme se définit par le fait inapplicable de faire quelque chose pour l’autre sans prendre en compte sa conscience propre, l’émotion de l’actionneur, du donneur n’a donc pas sa place, elle est niée. Pourtant, c’est bien la conscience et la morale qui nous font réaliser des actions. Pour Sartre par exemple, ce sont les actions qui nous font exister : je fais donc je suis. Mais cet égocentrisme est considéré par Comte comme de l’égoïsme, même si l’objet de notre action n’est pas l’égo, moi, mais l’alter, l’autre. En considérant que le voyageur qui va vers les autres s’inscrit dans une démarche altruiste au sens étymologique du terme, reste à savoir si son attitude dépend plus de l’empathie ou de la sympathie. De syn (ensemble) et pathos (passion, souffrance), la sympathie serait l’action même du voyageur en mission humanitaire : il souffre avec l’autre. C’est également le cas des personnes qui décident d’abandonner tout confort, physique ou matériel, pour vivre comme les autochtones des pays pauvres. Les empathiques, du latin in (dedans) et pathos, sont les compréhensifs, les contemplateurs concernés si l’on peut dire. Ils ont la faculté de comprendre les autres, de concevoir leurs émotions mais n’y prennent pas part autrement que par compassion. Les voyageurs qui côtoient les autochtones sans pour autant partager leur vie à la lettre s’inscrivent plutôt dans cette catégorie. Peut-on affirmer que les uns sont plus altruistes que les autres ? Partager ou comprendre n’est-ce pas déjà une preuve que notre intérêt principal n’est plus nous-mêmes mais bien l’autre ? En ce sens, comment pourrait-on qualifier ces personnes de non-altruistes et donc d’égoïstes ?

Etre tourné vers l’autre, vouloir son bien et en ressentir une satisfaction devrait-il être plus critiquable que regarder l’autre et ne rien faire ? L’altruisme selon Comte nous apparait comme un concept réducteur car il ne prend pas en compte le sujet donneur. Or, comment peut-on faire quelque chose en se niant soi-même ? L’altruisme devrait être considéré comme le simple fait de se tourner et d’agir vers l’autre en excluant toute volonté de bénéfices matériels mais en considérant que les bénéfices moraux ne sont pas un obstacle à la valeur de ces actions. En ce sens, tout voyageur porté par la volonté de découvrir une autre culture est fondamentalement altruiste. Peu importe qu’il en tire une satisfaction personnelle ou non, l’important n’est-il pas que les hommes se tendent la main les uns les autres ? Après tout, le monde ne devrait pas s’arrêter de tourner s’il compte plus de personnes satisfaites, qu’elles le soient par l’action des autres ou par leurs propres actions…

Article paru dans Esprit Philosophie n°1, aout-septembre 2013. Tous droits réservés @amandinerobert

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